QUENTIN JANELDocteur en science politique
12 Mai 2021

Élections régionales en France : la grande répétition

À moins d’un an de l’élection présidentielle, échéance majeure de la vie politique française, les élections régionales de 2021 s’annoncent comme un galop d’essai pour la plupart des forces politiques nationales.

Ayant lieu tous les 6 ans, les élections régionales permettent aux citoyens de composer les conseils régionaux au terme d’un scrutin de liste à deux tours, le second tour étant ouvert à toute liste ayant dépassé les 10% de suffrages reçus. Echelon médian de la pyramide administrative, les 19 régions françaises interviennent notamment dans le domaine du développement économique, de l’aménagement du territoire ou encore de l’enseignement secondaire.

Bien que souvent boudées par l’électorat (seulement 49,9% de participation au premier tour en 2015), les élections régionales revêtent cette année une importance politique toute particulière en raison de leur position dans le calendrier. Entre équilibres politiques nationaux et particularismes locaux, décryptage d’une séquence électorale pas comme les autres.

LREM, grande absente des débats

Le parti d’Emmanuel Macron aborde ces régionales dans une position peu enviable. Créé en 2016 dans l’idée de remplacer les vieux appareils, et essentiellement fondé sur le soutien à la personne du candidat Macron, il souffre d’un déficit de base militante et d’implantation locale.

Les attentes sont si faibles pour le parti présidentiel que Jean Castex, Premier Ministre, a annoncé le 2 mai dernier que la liste LREM en région PACA serait purement et simplement retirée, pour soutenir celle du parti de droite Les Républicains.

L’objectif avoué est la formation d’une alliance élargie entre le centre et la droite pour lutter contre la liste du Rassemblement National, parti d’extrême-droite favori dans la région. Les Républicains ont réagi vivement, refusant toute alliance ouverte avec le parti macroniste, qui a depuis réintroduit une nouvelle liste dans la région, avant de la retirer à nouveau au bénéfice des Républicains. Le signal est clair : pour En Marche, il faudra avant tout limiter la casse dans une échéance qui leur est structurellement défavorable.

Pour tenter de reprendre la main dans le jeu politico-médiatique, c’est l’avocat vedette Éric Dupond-Moretti, actuel Ministre de la justice, qui s’est porté candidat En Marche dans la région Hauts-de-France, dans le fief de Marine Le Pen. Un défi de taille pour cet avocat pénaliste de renom, lui qui n’a jamais connu de campagne politique.

Chez les Républicains, on se cherche

Depuis leur déroute à la présidentielle de 2017, les Républicains, parti historique de la droite française, cherchent leur identité. L’émergence d’Emmanuel Macron et les progrès électoraux constants de Marine Le Pen ont rétréci l’espace politique du parti conservateur. L’actuel locataire de l’Elysée a réussi à affaiblir l’aile libérale du parti, recrutant chez les Républicains à tour de bras pour former ses gouvernements (Jean Castex, Edouard Philippe, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, etc.).

De l’autre côté, l’aile plus radicale et nationaliste peine à se démarquer de l’extrême-droite traditionnelle. Au point que, dans la région Bourgogne Franche Comté, la liste républicaine a décidé de s’allier avec Debout La France, le parti de Nicolas Dupont-Aignan, qui avait soutenu Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2017. De même, dans la région PACA évoquée plus haut ou en Moselle, ce sont d’anciens Républicains, Thierry Mariani et Jean-Louis Masson, qui mèneront les listes du Rassemblement National, signe que la frontière entre les deux partis est plus poreuse que jamais.

A gauche, toujours plus d’incertitudes

Comme à chaque élection, la question de l’alliance des forces de gauche revient sur la table. Dans les Hauts-de-France, les socialistes, les communistes et la France Insoumise ont accepté de se ranger derrière l’écologiste Karima Delli, tête de liste d’une union de gauche inédite. Ailleurs, les discussions n’ont pas abouti. En Île-de-France (Paris), le premier tour verra ainsi s’affronter des listes socialistes, communistes et insoumises. Pour l’instant toutes bloquées sous les 15% d’intentions de vote, elles pourraient cependant constituer une grande alliance du second tour à même de battre la liste des Républicains, favorite dans la région.

En PACA, mêmes partis et mêmes problèmes. Alors qu’un accord entre les listes socialistes et écologistes était proche, une des leaders d’Europe-Ecologie Les Verts a décidé de faire cavalier seul, échaudé par les manœuvres d’appareil qui auraient privées ses troupes de places en bonne et due forme sur la liste. A l’inverse, La France Insoumise a profité de ce départ pour rappeler qu’elle était ouverte à une grande union de la gauche dans le sud-est, et éviter le duel de la droite contre l’extrême droite qui se profile.

Là encore, l’enjeu dépasse les régionale car, en parallèle, la question d’une grande alliance de la gauche continue de se poser pour la présidentielle de 2022. Dans un scrutin où seuls les deux candidats en tête au premier tour accèderont au second, aucun des nombreux candidats potentiels de la gauche n’est pour l’instant en position de contester le duopole Macron-Le Pen.

De par leur organisation, la structure du scrutin et les enjeux qui y sont liés, les élections régionales ne sont pas qu’une préparation à la présidentielle. Ainsi, bien que LREM soit relativement absent du jeu des régionales, Emmanuel Macron continue d’être le favori à sa propre succession. En revanche, pour les autres formations politiques, cette séquence se situe dans la lignée de la réorganisation du paysage politique entamée en 2017. Pour les deux principales victimes du précédent scrutin présidentiel, la droite conservatrice et la gauche sociale-démocrate, l’enjeu dépasse la simple représentation locale : il s’agira de consolider une ligne idéologique claire pour retrouver un espace politique viable.

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